OEUVRES ET EXPOSITIONS

Nous vous proposons dans cette rubrique des oeuvres analysées et des comptes rendus d'expositions par nos membres spécialisés en histoire de l'art. Bonne lecture !
 

Exposition France Allemagne(s) 1870-1871 : la guerre, la Commune, les mémoires au musée de l'Armée
 
 
 
Un regard nouveau sur un conflit méconnu, tel est l’objectif de cette nouvelle exposition ouverte par le musée de l’Armée sur la guerre de 1870-1871. C’est tout d’abord par une mise en contexte pertinente que les commissaires mettent en avant un conflit franco-allemand. Bien que l’initiative diplomatique appartienne au gouvernement prussien piloté par Bismarck, ce dernier voit la guerre comme une opportunité d’unifier la nation allemande dans une volonté de laver les affronts commis par la France dans le passé : conquêtes de Napoléon Ier puis victoires en Europe de son neveu Napoléon III.
 
D’une mésentente diplomatique sur la succession au trône d’Espagne, Bismarck manie subtilement les opinions des deux pays pour arriver à une confrontation où la France de Napoléon III paraîtrait comme l’agresseur d’une Allemagne contrainte à la défensive. Néanmoins ce sont bien les troupes prussiennes alliées aux autres Etats allemands qui acculent au fil des offensives l’ensemble des armées françaises : défaites en Alsace, capture de Napoléon III à Sedan et siège de Paris. Fin d’un empire, naissance d’un autre : Guillaume Ier est proclamé empereur d’Allemagne dans la Galerie des glaces du château de Versailles, face à une jeune République française à qui il revient d’assumer une paix humiliante qui ampute le pays de l’Alsace-Lorraine. A cette capitulation survient le violent épisode de la Commune de Paris, où les Parisiens rejettent le nouveau gouvernement central qui n’a pas su défendre la France au moment où la capitale endurait de durs sacrifices lors du siège par les troupes allemandes. C'est devant cette succession d’évènements dramatiques faisant part d’un sentiment d’écroulement que Victor Hugo nommera l’épisode de 1870-1871 « l’année terrible ».
 
Aux évènements de la Guerre et de la Commune succèdent les mémoires dans un camp comme dans l’autre. Mémoire d’une consécration glorieuse pour l’Allemagne, qui inscrit le conflit dans la série des combats fondateurs de la nation : victoire contre Napoléon en 1815, contre le Danemark en 1864 et contre l’Autriche en 1866. De nombreux monuments et statues sont érigés à la gloire des nouveaux héros. Ce souvenir est encore vivace en 1914 et l’Empire allemand entend bien à cette date faire revivre les grandes heures du siècle passé et affermir une fois de plus la nation allemande. De son côté, devant assumer la responsabilité de l’humiliation, la jeune République française a elle aussi besoin de fabriquer ses mythes pour en tirer une légitimité. Il s’agit de brosser le portrait d’une défaite glorieuse, dépeignant le panache des charges de cavalerie où le peuple se levait en armes devant l’envahisseur, lointain écho de 1792… tout en se gardant bien d’évoquer plus longuement la Commune de Paris, présentée comme une insurrection de rebelles factieux réfractaires à l’ordre public. La République entend reconstruire l’unité des Français pour les conduire à la revanche de 1914. A côté des mémoires officiels, il y a les mémoires de ceux qui ont vécu la guerre : bombardements de Strasbourg et de Paris par les canons Krupp, suivis d’exactions sur des populations civiles, tant de souvenirs qui préfigurent les conflits du XXe siècle. Mémoires pittoresques aussi comme ces photos de pièces du château de Versailles décorées par des soldats allemands à l’occasion de Noël, ou encore des ruines de monuments symboliques tels que le château de Saint-Cloud ou celui des Tuileries, tous les deux ravagés par les flammes.
 
La guerre de 1870 paraît dans un premier temps être un conflit isolé, qui se limite à un simple règlement de comptes entre deux nations. Si elle ne voit pas de coalitions s’affronter, elle n’en bouleverse pas moins l’équilibre européen hérité du Congrès de Vienne de 1815. Si dans un premier temps l’affaiblissement de la France pourrait contenter certaines puissances, l’arrivée soudaine de l’Empire allemand apparaît comme un trublion sur l’échiquier international. Dans une volonté de briser son isolement, la France noue des alliances avec la Russie et la Grande-Bretagne. De son côté, l’Allemagne réussit à se constituer un empire outre-mer. Autant d’enchaînements qui mènent vers l’affrontement général de 1914-1918.
 
P.-L. D.
 

L'espadon ou Zweihander des lansquenets
 

 
Au XVe siècle, prenant de l’importance, l’infanterie, notamment suisse et allemande adopte des épées longues (0,90 à 120 cm) à double tranchant, montées sur d’imposantes fusées (30 à 40 cm), parfois pesantes (1,3 à 6 kg). Ces armes sont très maniables car bien équilibrées : le poids de la poignée est celui de « l’alemèle », la lame. Leur fonction première est de briser (coups de taille) ou de disloquer (coups d’estoc) les plates, c’est-à-dire les armures composées de plaques rigides, qui se développent à partir du XIVe siècle. La réputation de ces fantassins est si fameuse que les Suisses et les Allemands sont engagés dans toute l’Europe en tant que mercenaires.


 


 
Ci-dessus un exemple d’espadon susceptible d’équiper un lansquenet à la fin du XVIe siècle. Les tranchants de la lame sont ondés pour arracher les plaques d’armures, harponner les adversaires et aggraver les coups portés. Elle est en outre dotée d’un ricasso (fraction non aiguisée) permettant au porteur de la saisir par la lame sans se blesser tout en ayant la main protégée par une fausse garde ou oreillon forgée dans la lame. Cette épée, l’une des plus grandes d’Europe mesure 185 cm et pèse 3,9 kg. 

 

Un carré d'infanterie au XVIe siècle.
 
Au XVe se généralise la pratique des carrés, composés de rangs de piquiers et de porteurs d’hast (vouge, fauchart…), organisés autour d’un noyau d’arbalétriers et / ou d’archers. Ces derniers combattent en tirailleurs, ils harcèlent les rangs ennemis de leurs tirs et se réfugient au centre des carrés lors des ripostes adverses. Les fantassins percent les rangs et les charges de la cavalerie ennemies. C’est à cette fonction que l’espadon se distingue. Maniées par des combattants « d’élite » (les joueurs d’épées), allant en avant ou sur les flancs des carrés, ces armes redoutables rompent les rangs ennemis. Plus maniable que les armes d’hasts, elles fauchent les hampes et les membres, tranchent les jarrets des chevaux et percent les armures des cavaliers.
L’espadon continue à être utilisé aux XVIe et XVIIe siècles, en complément des armes à feu attribuées aux carrés.

J. V.
 

Exposition Napoléon et Paris : Rêves d'une capitale au musée Carnavalet


Nombreux sont les souvenirs que l’Empereur a laissés dans la capitale : la Colonne Vendôme, le palais de la Bourse, ou encore l’Arc de Triomphe et le Tombeau des Invalides…Le propos de l’exposition montre les rapports qu’ont entretenu l’homme et la ville. Paris a d’abord été le théâtre de l’ascension vers le Consulat puis l’Empire, et c’est l’occasion de revenir sur des évènements comme l’attentat de la rue Saint-Nicaise, le Sacre, ou l’occupation des troupes alliées en 1814. Pour Napoléon, Paris doit être la vitrine de l’Empire. Il faut transformer cette capitale en rationnalisant l’espace et l’administration, tout en assurant le confort des habitants. De nouvelles rues sont tracées et l’on réfléchit sur l’approvisionnement en eaux via les fontaines.


A ces soucis hérités des Lumières, s’ajoute la représentation de la gloire et du nouveau pouvoir. 
Le palais des Tuileries devient la résidence impériale et accueille la nouvelle cour. Des nouveaux monuments sont construits, sans parler des projets dépassant toute mesure comme celui du palais du roi de Rome sur la colline de Chaillot. N’oublions pas que les travaux de la capitale entraînent des destructions comme pour l’église des Feuillants. Pour illustrer son propos, l’exposition montre de nombreux dessins et plans des incontournables Charles Percier et Pierre-Léonard Fontaine, sans oublier Louis-Pierre Baltard, le père de Victor Baltard. Mais 15 ans de pouvoir n’ont pas suffi à mener à bien tous les projets, qui pour leur part en annoncent d’autres : la transformation de Paris est une tâche qui reviendra au neveu de l’Empereur, Napoléon III.
 
P.-L. D.
 

Exposition François Ier : Pouvoir et images à la
BnF - François Mitterrand

« 1515 = Marignan ! » se souviennent encore les anciens écoliers et apprentis historiens. 2015 ne sera donc pas sans rappeler le 500e anniversaire de l’avènement puis de la bataille qui fit la renommée de François Ier. C’est ainsi que  la BnF-François Mitterrand propose du 24  mars au 21 juin l’exposition « François Ier :  Pouvoir et images ». Si le propos est axé sur  le thème du prince dans les arts, il n’oublie  pas la figure du roi premier des chevaliers  du royaume. A côté des gravures et autres  images remémorant les batailles de  Marignan et de Pavie, on peut admirer  deux joyaux des collections du musée de  l’Armée : l’épée du Magnificat, dite « de  Pavie » et l’armure de François Ier. Fait exceptionnel, cette dernière est descendue  du cheval qui lui servait de mise en scène  au musée de l’Armée.


Nous ne serons pas  non plus sans admirer le très connu  portrait de Jean Clouet du Louvre, qui fixe  à lui seul l’imaginaire autour du roi  François. C’est aussi l’occasion d’exposer la récente acquisition de la BnF, La Description des douze Césars avec leurs figures, riche manuscrit ayant appartenu à François Ier et enluminé par le talentueux Jean Bourdichon. Puis citons tous les autres arts mis à l’honneur : livres, romans, poésie, musique, estampes, école de Fontainebleau… pour en savoir plus, c’est à la BnF jusqu’au 21 juin !
P.-L. D.



 


La bataille où paraissent les Gardes du Corps du roi,
de Joseph Parrocel

 

Le tableau de Parrocel.

 
C’est le 15 avril 1685 que ce tableau, peint par Joseph Parrocel, est installé au-dessus de la cheminée de la salle des gardes du Petit Appartement du roi à Versailles, où il se trouve encore aujourd’hui. Joseph Parrocel (1646-1704) est un célèbre peintre de bataille dont le style vif et expressif plait beaucoup à Louis XIV, bien que, fait singulier, il ne fasse pas partie de l’équipe officielle des peintres du roi. A partir de 1683 Louis XIV, dont la cour est tout juste installée à Versailles, décide d’aménager dans l’angle sud-ouest de la cour de Marbre, un appartement plus usuel que le Grand Appartement des planètes, réservé aux fêtes et occasions exceptionnelles. Il prendra le nom de Petit Appartement. Le décor peint de la salle des gardes et de la première antichambre est alors confié à Joseph Parrocel. Celui-ci réalise à cette occasion onze toiles de batailles pour la première antichambre (livrées entre 1685 et 1687),  et une pour la salle des gardes.
 

La salle des Gardes (château de Versailles).

 
La composition audacieuse nous montre une charge de la cavalerie française, en vue frontale, sur des ennemis dont les chevaux s’écroulent au premier plan. Cavaliers et soldats forment une masse enchevêtrée et confuse ponctuée de quelques touches de couleurs vives et tranchées, typiques de Parrocel. Les combattants portent des tenues variées, l’uniformisation des habits militaires, surtout pour les officiers, ayant mis du temps à se mettre en place. En revanche, on ne peut manquer de reconnaître l’uniforme des gardes du corps du roi, bleu bordé d’argent, à la culotte rouge et à la bandoulière en travers de la poitrine, marque de leur fonction. Les gardes du corps, répartis en quatre compagnies, est une unité de cavalerie d’élite. Au quotidien, ils protégent le roi et gardent les lieux où il se trouve mais ils pouvent aussi participer activement aux batailles. La salle des gardes est leur salle de service à la cour, et ce tableau rappele également leurs exploits guerriers qui sont un autre pendant de leur fonction. Quant à leurs adversaires représentés ici, leurs habits ne permettent pas d’y reconnaître une nation particulière, mais évoquent de façon abstraite les ennemis du roi.

Considérée avant tout comme un élément décoratif, l’œuvre semble d’ailleurs n’avoir jamais reçu de titre définitif, si ce n’est descriptif. La toile est nommée simplement dans l’inventaire Bailly (1709-1710) « Bataille où paraissent les Gardes du Roy ». Malgré une identification tardive et fautive en temps que représentation de la bataille de Leuze (1691), cette œuvre n’évoque en réalité aucune action militaire en particulier, mais symbolise de façon presque allégorique la vaillance et l’éclat des gardes du corps sur le champ de bataille. Il faut attribuer cette particularité, qui dérouta plus d’un de ses contemporains, à Parrocel lui-même, qui choisit une évocation abstraite alors que la récente guerre de Hollande ne manque pas d’exemples pour évoquer la puissance militaire du roi. Choix d’autant plus étonnant quand on sait que Parrocel lui-même vient de terminer sur ce thème les peintures murales des réfectoires de l'Hôtel des Invalides.

 
M. V.
 


La selle funéraire d'Henry V d'Angleterre
 

Selle funéraire du roi Henri V d’Angleterre, v. 1422, Londres, Abbaye de Westminster. 

 
Très peu de selles de guerre médiévales ont survécu, et celle-ci en est l’un des plus anciens exemples. Jusqu’au milieu du XXe siècle, selon une coutume nobiliaire qui voulait que les armes du défunt soient visibles près de sa tombe, elle était accrochée avec l’épée, le heaume et l’écu du roi dans sa chapelle funéraire de l’abbaye de Westminster. Elle a certainement servi lors des funérailles du roi en 1422.
Au XVe siècle, ce type de selle était utilisé par les chevaliers combattant à la lance. Le troussequin (partie arrière de la selle) incurvé permettait de maintenir les hanches pendant les chocs et éviter la chute. Lors de la charge, le cavalier devait tendre les jambes et le haut du corps légèrement en avant (on montait étriers longs), cette position assurant une meilleure efficacité du coup ainsi qu’une meilleure assise pour réceptionner celui de l’adversaire.
 

Détail de l'assise vue par le dessus.

 

De part sa longue exposition dans l’église, la selle a beaucoup souffert ; certains morceaux sont brisés et la plupart des matériaux les plus fragiles (cuir, tissu) ont disparu. Néanmoins une description du XVIIIe siècle nous la décrit encore recouverte d’un velours bleu fleurdelisé (quelques minuscules fragments sont encore préservés à Westminster). Cet indice indiquerait que contrairement au heaume et à l’épée, qui montrent des traces d’usure, la selle aurait été fabriquée pour l’occasion, les vraies selles de combat de cette époque étant généralement recouvertes d’un cuir résistant. Néanmoins, sa structure est bien celle d’une selle de guerre et de ce fait elle est un témoignage précieux pour l’étude de l’équipement et du combat chevaleresque.

M. V.
 


La statue de Dominique Larrey 
 

Statue de Dominique Larrey.
 

Le promeneur qui arpente machinalement les rues du quartier de Port-Royal, à Paris, ne prête pas nécessairement attention à la petite cour qui s’ouvre sur le Val-de-Grâce.

Outre l’abbaye à la célèbre coupole décorée par Pierre Mignard au XVIIe siècle, se trouvent bien entendu l’hôpital militaire mais aussi le musée du Service de Santé des Armées, ouvert à tous, dont les collections retracent plusieurs siècles de progrès médicaux. 
Ce petit texte est donc dédié à l’un des plus illustres chirurgiens militaires français. 

Ainsi, si le visiteur ose franchir la grille ouverte, il pourra découvrir, légèrement en retrait dans la cour de l’institution, la statue du baron Dominique-Jean Larrey (1766 – 1842), le célèbre chirurgien en chef de la Grande Armée de Napoléon Ier. 
L’œuvre élevée par souscription nationale est du grand sculpteur Pierre-Jean David d’Angers (1788 – 1856), auteur, entre autres, du fronton du Panthéon et dont la majeure partie de la production est marquée par les effigies commémoratives des grandes personnalités de l’histoire. Réputé pour la qualité de ses portraits et pour sa maîtrise de la statuaire monumentale, David d’Angers est parvenu à résumer la vie et les principales actions de Larrey entre la statue proprement dite et son piédestal. En effet, une plaque vous donne les différents titres de l’auteur de passionnants Mémoires, qui fut chirurgien des armées, inspecteur général du service de santé militaire, baron de l’Empire, commandant de la Légion d’Honneur, membre de l’Institut de France, de l’Institut d’Egypte, de l’académie de Médecine, du conseil de salubrité de la société médicale d’émulation et professeur au Val-de-Grâce. Derrière Larrey, un tube de canon est gravé des noms des campagnes et des multiples batailles auxquelles l’inventeur des fameuses « ambulances volantes » a participé, tandis que le piédestal porte sur ses quatre faces des bas-reliefs le montrant en pleine action auprès des blessés de tous grades et de toutes nationalités, amis ou ennemis d’alors, dans la victoire comme dans l’adversité. Le plus surprenant en effet est de se trouver directement confronté à la Bérésina (1812) de face, tandis que les côtés et l’arrière du piédestal présentent les Pyramides (1798), Austerlitz (1805) et Somo-Sierra (1808). Peut-être est-ce le moyen de montrer avec quel dévouement Larrey accomplissait son devoir humanitaire quelles que soient les circonstances : « On trouvait Larrey, dans la saison la plus dure, à toutes les heures du jour et de la nuit, au milieu des blessés » (propos de Napoléon au docteur Barry Edward O’Meara à Sainte-Hélène).
Vêtu de son uniforme de chirurgien en chef de la Grande Armée, fixant le lointain comme s’il embrassait du regard un champ de bataille et des hommes à sauver, Larrey est représenté à la fois en tant qu’homme d’action (le socle comporte un tronçon de sabre brisé et un boulet de canon à ses pieds, symboles de son courage puisqu’il n’hésitait à intervenir au milieu des combats), mais aussi dans son rôle médical – il retient de sa main gauche ses instruments opératoires (pince, scie à amputer…) –, et enfin en tant qu’homme de science et enseignant, comme l’attestent les livres posés sur la bouche du canon et le rouleau de papier qu’il tient à la main.

Celui que Napoléon nomme dans son testament « l’homme le plus vertueux que j’aie connu » et que l’on surnommait « la Providence du soldat » veille sur le Val-de-Grâce, drapé dans son manteau, figure à la fois modeste et marquante du progrès chirurgical.

 
A. N.
 


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